Titre : | Le viol des bébés, repérage et prise en charge (2024) |
contenu dans : | |
Auteurs : | ROMANO HÉLÈNE, Aut. ; HAYEZ JEAN-YVES, Aut. |
Type de document : | Article |
Dans : | ANNALES MEDICO PSYCHOLOGIQUES (Vol. 182 N°2, Février 2024) |
Article en page(s) : | 142-149 |
Note générale : | 17 réf. bibliogr./Tabl./ascodo301 |
Langues: | Français |
Descripteurs |
[SANTEPSY] JEUNE ENFANT [SANTEPSY] MALTRAITANCE [SANTEPSY] NOURRISSON [SANTEPSY] PRISE EN CHARGE [SANTEPSY] SYNDROME POST TRAUMATIQUE [SANTEPSY] VIOL |
Résumé : | Si les violences sexuelles sur enfant paraissent actuellement mieux reconnues et prises en charge, il est un type d’actes et une catégorie d’âge totalement oubliée qui est celle des bébés et des tout jeunes enfants, beaucoup d’âge préverbal (0–3 ans), victimes de viols. Pourtant, régulièrement des adultes (et même des mineurs) sont condamnés pour en être auteurs. Notre expérience professionnelle nous amène depuis des années à prendre en charge de très jeunes enfants victimes de viol sans que la spécificité de cette violence soit relayée par des articles scientifiques. Il y a un véritable tabou autour des viols subis par les bébés et cet indicible conduit les intervenants à ne pas penser que cela puisse exister donc à ne pas envisager sa réalité, alors même que des troubles sont évidents. Certes il s’agit d’une maltraitance extrême, eu égard à la vulnérabilité des victimes. Elle est néanmoins bien réelle et l’absence de publication à ce sujet ne peut que nous interroger, car elle laisse sous silence probablement bien des situations. Les auteurs qui violent un bébé peuvent le tuer du fait des actes commis [1], ils peuvent continuer à l’agresser même quand ils grandissent, mais peuvent aussi cesser les agressions dès que l’enfant acquiert la parole, par crainte d’être dénoncés. Aucune étude quantitative n’ayant jamais été réalisée sur ce sujet, nous ne pouvons que transmettre la réalité du terrain liée à notre travail de psychothérapeutes et d’experts. Lorsqu’un très jeune enfant subi des viols qui ne sont pas repérés, et lorsqu’il survit, et que ces violences s’arrêtent quand il commence à parler, cela ne signifie pas que la violence subie ne va pas s’exprimer autrement, en particulier par une violence agie sur soi-même ou sur d’autres. Les viols font traces physiquement et psychiquement et ce sont bien souvent des comportements sexuels inadaptés qui vont alerter les adultes (proches, enseignants). Mais le jeune enfant n’ayant pas les capacités mnésiques suffisantes pour mémoriser comme un plus grand ce qu’il peut vivre et subir, il est en incapacité de dénoncer nommément son agresseur. L’expressivité des troubles post-traumatiques n’étant pas linéaire, il est fréquent que l’attitude de l’enfant n’interpelle les adultes que des années après que les agressions ont été commises. Et les conséquences de viols subis dans la prime enfance peuvent être innombrables (troubles post-traumatiques multiples, troubles dans la construction de la sexualité infantile, troubles dans les apprentissages, troubles dans l’établissement des liens sociaux, etc.). A une période de plein développement psychosexuel, psychoaffectif et cognitif, ces violences extrêmes peuvent durablement hypothéquer le devenir de l’enfant. Par ailleurs, le fait que les troubles externalisés (bien visibles et inquiétants) puissent apparaître en différé reste méconnu, y compris des professionnels. Ce qui peut être source de malentendus de toutes sortes, en particulier en raison du manque de formation des intervenants qui pensent que si les troubles se manifestent c’est que les faits viennent d’être commis et sont convaincus que l’enfant est en mesure de nommer l’auteur. L’enfant violé bébé n’a pas cette capacité à se défendre quand il est agressé et à dénoncer quand il pourrait le faire. Repérer ces situations au plus tôt s’avère donc indispensable pour limiter les effets de ces violences. L’objectif principal de cet article est de décrire la spécificité des viols commis sur les tout-petits afin de mieux repérer des signes susceptibles d’alerter les professionnels de santé sur la réalité de violences de ce type subi par de tout jeunes enfants ; ceci pour une prise en charge la plus précoce possible. Le public de notre publication est celui des bébés et des enfants de moins de 3 ans, c’est-à-dire un groupe d’âge où la dépendance à l’adulte est très forte, et la capacité d’expression verbale nulle ou très limitée. La mémoire des faits récents est encore balbutiante et s’exprime au mieux par un comportement d’interprétation pas toujours évidente. Il s’agit d’un article nourri de notre expérience clinique et de données qualitatives recueillies tout au long de nos années d’expérience. Ce travail nous a permis à partir de l’analyse de ces différents critères de proposer à travers un tableau synthétique des éléments de repérage fondamentaux lors d’intervention auprès de très jeunes enfants. Si les viols subis par les tout jeunes enfants conduisent à des marques sur le corps spécifiques, ils sont aussi à l’origine d’une souffrance psychique invisible pouvant se traduire par des troubles mettant en danger non seulement l’enfant (conduites dangereuses, addictions, tentatives de suicide, suicide), mais aussi son entourage (violences sexuelles, agressions physiques). La conclusion de cette réflexion est l’importance de former les intervenants pour sortir du déni de la réalité de cette violence. Oser parler de ce sujet pour le sortir de cette indicible clinique permet d’envisager des prises en charge adaptées et limiter que des enfants victimes restent seuls face à leur souffrance avec tous les dangers que cela peut entraîner. [résumé d'auteur] |
En ligne : | https://www.em-premium.com/article/1651657 |