Titre : | La perte de contingence : un concept phénoménologique renseignant les modèles cognitifs du délire de type paranoïaque (2015) |
Auteurs : | CRAUS YANN |
Type de document : | Article |
Dans : | EVOLUTION PSYCHIATRIQUE (4 vol 80, 2015) |
Article en page(s) : | 639-657 |
Note générale : | Bibliogr. |
Descripteurs |
[SANTEPSY] CAS CLINIQUE [SANTEPSY] DELIRE PARANOIAQUE [SANTEPSY] ETUDE CRITIQUE [SANTEPSY] NEUROSCIENCES [SANTEPSY] PARANOIA [SANTEPSY] PHENOMENOLOGIE [SANTEPSY] PSYCHOLOGIE COGNITIVE [SANTEPSY] PSYCHOPATHOLOGIE |
Mots-clés libres: | CONTINGENCE ; RATIONALITE |
Résumé : | Dans le champ de la recherche sur les délires, les sciences cognitives ont développé des modèles associant philosophes, psychologues et neuroscientifiques, concernant principalement les délires monothématiques (de type illusion des sosies de Capgras) et les expériences schizophréniques. Entité clinique princeps dans la tradition psychopathologique des psychoses, le délire de type paranoïaque est récemment l'objet d'études spécifiques à partir desquelles des modèles cognitifs, généraux ou spécifiques (Bentall, Freeman), isolent des facteurs de plus en plus nombreux. Nous analysons la fécondité et la pertinence de ces modèles pour tenter de mettre en sens, au plus près de la clinique paranoïaque, l'ensemble des données issues des sciences cognitives. Une recherche bibliographique retrace l'approche cognitive du délire paranoïaque avec d'un côté, les modèles généraux du délire appliqués à la paranoïa et les modèles dédiés, et de l'autre des mécanismes cognitifs supposés défectueux. De plus, au plus près de la clinique, nous introduisons parmi ces données le concept phénoménologique de perte de contingence, créé par Minkowski et Lantéri-Laura. Trois grands modèles se disputent l'explication du délire en général : premièrement, le type rationaliste qui considère le délire comme une anomalie cognitive de haut degré ; deuxièmement, le type empiriste dans lequel le trouble est avant tout de l'ordre de l'expérience ; troisièmement, le modèle mixte qui associe une composante perceptive et une composante intellectuelle de haut niveau. Cette partition qui s'appuie sur le dualisme percept-intellect apporte peu à la compréhension du délire paranoïaque. De leur côté, les modèles dédiés opposent un mode de défense contre la dépression (Bentall) à une expression directe de l'anxiété (Freeman). Réduit ainsi à d'autres phénomènes psychiques, le délire paranoïaque n'est pas considéré dans sa spécificité clinique. La perte de contingence comme trouble fondamental, au contraire, le spécifie. Cette faculté perdue de l'être-au-monde du sujet explique un mécanisme d'attribution forcé, une théorie de l'esprit hypertrophiée, des troubles de la perception sociale et émotionnelle mais aussi des biais de raisonnement (jumping-to-conclusion, need to closure). L'approche des sciences cognitives revendique l'interdisciplinarité. L'intégration dans son champ d'un concept phénoménologique directement lié à l'expérience clinique gagne en pertinence pour mieux comprendre le délire paranoïaque. Les modèles dédiés sont relativement récents et s'appuient à vrai dire dans leurs conceptions sur la psychopathologie affective, dépression d'un côté, anxiété de l'autre. Trouver un modèle spécifique du délire paranoïaque s'avère une tâche à portée des sciences cognitives, si l'on accepte de saisir le phénomène dans toute sa richesse clinique, telle que nous l'enseignent les observations historiques de nos devanciers. Néanmoins, toutes les données expérimentales ne s'accordent pas avec la perte de contingence. C'est peut-être avant tout parce qu'elles sont elles-mêmes disparates et contradictoires. Une des grandes difficultés réside dans la définition de ce type de délire : celle actuellement retenue se réduit au délire de persécution selon le DSM IV-TR. La prise en compte d'autres caractéristiques (interprétation, systématisation) du délire permettrait de cibler le phénomène et de constituer des groupes plus homogènes, en dehors du champ de la schizophrénie. Le concept de perte de contingence détient un fort pouvoir heuristique. Au plus près de la clinique, il éclaire d'un nouveau jour les données expérimentales obtenues en sciences cognitives et oriente les recherches vers des modèles prenant mieux en compte, spécifiquement, le délire paranoïaque. Ce type de délire présente de nombreuses caractéristiques, susceptibles d'en faire un objet d'étude majeur en psychiatrie dans le champ de la recherche interdisciplinaire entre sciences humaines et sciences fondamentales. [résumé d'éditeur] |
En ligne : | http://www.em-premium.com/article/1009801 |