Titre : | Les sentiments existentiels et les expériences subjectives de la psychose : une description phénoménologique du sens de la réalité (2015) |
Auteurs : | TROUBE SARAH |
Type de document : | Article |
Dans : | EVOLUTION PSYCHIATRIQUE (4 vol 80, 2015) |
Article en page(s) : | 675-687 |
Note générale : | Bibliogr. |
Descripteurs |
[SANTEPSY] DELIRE [SANTEPSY] PHENOMENOLOGIE [SANTEPSY] PSYCHOSE [SANTEPSY] REALITE [SANTEPSY] SUBJECTIVITE |
Mots-clés libres: | DEREALISATION |
Résumé : | La notion de sentiment existentiel a été proposée récemment par M. Ratcliffe pour définir une classe particulière de sentiments corporels, constituant un sens basique de la réalité. Les sentiments existentiels jouent un rôle phénoménologique dans la formation de toute expérience, comme structure d'arrière plan antérieure aux perceptions, émotions ou jugements déterminés. Ancrée dans la perspective de la psychiatrie phénoménologique inspirée de Husserl et Heidegger, cette notion vise à saisir aussi bien les oscillations quotidiennes de la familiarité que ses altérations en psychopathologie, dans les vécus de déréalisation, d'étrangeté, de doute ou de référence. Cet article cherche à introduire à la définition phénoménologique du sentiment existentiel, et à discuter son application dans le champ de la psychiatrie, et en particulier des psychoses. Une présentation de l'horizon conceptuel de la notion de sentiment existentiel amène à dégager son ancrage dans la tradition phénoménologique, dans son articulation entre philosophie et psychiatrie. Le recours à des descriptions cliniques en première personne met quant à lui en évidence les éléments de cette notion pouvant inviter à un éclairage original des expériences subjectives et des constructions délirantes à l'oeuvre en psychopathologie. L'hypothèse d'un sens préréflexif de la réalité et de la présence au monde amène à décrire des niveaux et des composantes distincts au sein de la vaste catégorie de 'perte de la réalité' : il convient notamment de prêter attention à la distinction entre la dimension d'un 'sens du réel' conférant à la réalité sa présence, son épaisseur et sa consistance et la dimension du jugement de réalité relevant du registre doxastique de la croyance. Dans une perspective pluridisciplinaire entre philosophie et psychopathologie, ces distinctions invitent à discuter la pertinence des notions de sentiments existentiels, d'horizon et d'évidences naturelles pour éclairer la clinique des phénomènes de vacillement de la réalité commune. Sur le plan de la clinique des psychoses, ces notions peuvent constituer une armature conceptuelle pour discuter les étapes et processus à l'oeuvre dans la formation du délire, en amenant à critiquer l'assimilation du délire à un ensemble de croyances fausses et inadéquates : l'accent placé sur la dimension de l'expérience et sur l'altération d'un cadre d'arrière-plan sous-tendant le rapport à la réalité invite notamment à saisir les phénomènes pré-délirants dans leur spécificité, et à entendre les délires qui peuvent s'y former comme des tentatives de restitution de certaines évidences d'arrière-plan fondamentales pour le sujet. Sur le plan de la clinique différentielle, il convient d'interroger les différents types de variations des sentiments existentiels et la possibilité de dégager des critères proprement phénoménologiques pour opérer des différenciations cliniques au sein des divers vécus de dépersonnalisation, de déréalisation ou d'étrangeté pouvant survenir dans des contextes extrêmement variés. La notion de sentiment existentiel, et la perspective phénoménologique dans laquelle elle s'ancre, peuvent présenter un intérêt tant conceptuel que clinique pour l'étude des phénomènes de rupture avec la réalité commune, en invitant, face aux approches contemporaines d'un délire assimilé à une croyance fausse et d'une conception dimensionnelle et continuiste des psychoses, à se focaliser sur la tonalité singulière et spécifique des expériences psychotiques. [résumé d'éditeur] |
En ligne : | http://www.em-premium.com/article/1009803 |