Titre : | L'expert judiciaire et l'irresponsabilité pénale. Débats et controverses au cours du temps et questions contemporaines (2022) |
contenu dans : | |
Auteurs : | SCHWEITZER MARC ; PUIG VERGES NIELLE |
Type de document : | Article |
Dans : | ANNALES MEDICO PSYCHOLOGIQUES (10 vol 180, 2022) |
Article en page(s) : | 1059-1068 |
Note générale : | 44 réf. bibliogr./Note en bas de page |
Descripteurs |
[SANTEPSY] EVOLUTION [SANTEPSY] EXPERTISE JUDICIAIRE [SANTEPSY] HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE [SANTEPSY] LEGISLATION [SANTEPSY] PSYCHIATRIE MEDICO LEGALE [SANTEPSY] RESPONSABILITE PENALE |
Mots-clés libres: | SOCIETE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE |
Résumé : | "Introduction : Depuis la création de la Société Médico-Psychologique (SMP), une accumulation de discussions au niveau national a entraîné des modifications législatives concernant les personnes atteintes de troubles psychiques. Les opinions publiques sont maintenant devenues parties prenantes, nous incitant, en tant qu'experts judiciaires, à traiter de l'irresponsabilité pénale. Les auteurs souhaitent rendre compte de l'évolution des idées et des pratiques professionnelles de l'aliénisme et de la psychiatrie légale concernant la responsabilité et l'irresponsabilité pénales et les évolutions législatives.Méthodologie : Pour cela, ils s'appuient sur leur exercice de l'expertise judiciaire psychiatrique et médico-psychologique, effective depuis de nombreuses années et toujours actuelle, ainsi que sur leurs activités de recherche cliniques et théoriques. La méthodologie repose sur l'analyse du langage et l'approche critique de l'épistémologie historique et clinique.Les questions médico-légales : Elles sont examinées en tenant compte du contexte culturel et scientifique du milieu du XIXe siècle au début du XXIe siècle. Responsabilité pénale et irresponsabilité sont des principes anciens codifiés dans le droit romain par Marc-Aurèle et évoluant avec les conjonctures politiques, sociales et religieuses de chaque époque. Que le motif invoqué pour reconnaître l'irresponsabilité pénale soit désigné par les termes folie, dégénérescence, aliénation mentale, démence ou anomalie psychique ou discernement, il a toujours été l'objet de recherches chez les médecins, les aliénistes, puis les psychiatres. Les auteurs analysent le rôle de la diffusion des débats à partir de la création des Annales Médico-Psychologiques (en 1843) et de la SMP (en 1852), les illustrant par quelques cas célèbres dans la littérature spécialisée. L'importance des discussions médico-légales à la SMP a animé la fin du XIXe siècle et la première partie du XXe siècle, contribuant à enrichir la séméiologie psychiatrique et à ouvrir de nouvelles recherches, notamment méthodologiques. Ceci entraînera une évolution des conceptions relatives à ce qui induit l'acte criminel et ne limitera plus l'irresponsabilité à un diagnostic aliénation mentale ou de démence ; l'étude du fonctionnement psychique sera mise en avant avec la notion de discernement et celles d'emprise et de contrôle des actes. Si de nombreux débats théoriques internes à la profession ont alimenté 'les querelles d'experts' disqualifiant parfois le rôle des experts, ceux-ci restaient cependant dans le champ médical et judiciaire. Depuis une dizaine d'années, ces problématiques se sont élargies à des débats sociétaux articulés autour de questions liées à la dangerosité et à la récidive. Ceci est devenu une dominante dans les réunions scientifiques, avant l'irruption dans le champ pénal, de la place croissante occupée par les victimes et les associations de victimes. La loi n° 92-683 du 22 juillet 1992 a introduit dans le code pénal l'article 122-1 (Code pénal de 1994) en remplacement de l'article 64, en insérant les notions d'altération ou d'abolition du discernement . Cette distinction a suscité des difficultés nouvelles et des tensions dans la pratique expertale ; la loi est entrée en application en 1994. Au cours des années 2000, une série d'homicides médiatisés, impliquant des personnes présentant de graves troubles psychiques, actes effectués parfois en situation de récidive, ont défrayé la chronique en France. Il s'en est suivi un mouvement d'opinion qui aboutira à la loi du 25 février 2008 sur l'irresponsabilité pénale. La loi mettait fin au non-lieu judiciaire pour cause d'irresponsabilité pénale, en introduisant d'autres dispositions sous forme des mesures de sûreté (surveillance judiciaire et rétention de sûreté). Cette loi crée de nouvelles interférences entre des questions juridiques de procédure et la pratique psychiatrique ; elle accentuait aussi l'importance du rôle des experts en créant de nouvelles missions, notamment l'expertise de dangerosité. Le mouvement lié à la prise en compte de la place des victimes s'est accentué, tant par l'objectif d'obtenir un jugement pour l'auteur des faits, que par la sollicitation de sa participation dans les phases successives de la procédure. Nous sommes récemment passés à des interrogations et des controverses sur l'irresponsabilité aboutissant à la loi du 24 janvier 2022. L'actuel article 122 ne précisait pas l'origine du trouble psychique causant l'abolition du discernement, ce qui a été analysé par le ministre de la Justice comme 'un vide juridique', qu'il fallait 'combler d'urgence'. Le Titre I indique 'Dispositions limitant l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant d'une intoxication volontaire aux substances psycho-actives'. L'ensemble de ces nouvelles dispositions, ainsi que la création de nouvelles incriminations et qualifications, ouvrent certes des débats entre magistrats et experts, elles s'inscrivent surtout dans une préoccupation des pouvoirs publics à propos de la nécessité de mise en place des 'dispositions limitant l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental . L'interprétation de la contribution de la loi devant un acte criminel demeure complexe, selon les auteurs, sur le plan de la recherche psychopathologique et étiopathogénique. Dans le cadre de la pratique expertale, cette nouvelle loi rendra nécessaire l'adjonction de nouvelles questions aux missions actuelles, il ne peut en résulter qu'une complexification de ces missions et un risque de confusions dans les réponses.Conclusion : Les auteurs montrent que la question de la responsabilité pénale ne mobilise pas les mêmes interrogations et problématiques dans le champ judiciaire (le point de vue de l'expert judiciaire psychiatre, lors de l'activité expertale) ou dans le champ sociétal avec la confrontation à l'ensemble des représentations qui s'attachent tant à la folie qu'au passage à l'acte criminel, ce qui, depuis le début du XXe siècle, fait intervenir d'autres disciplines émergentes. De leur point de vue, l'affirmation qu'un trouble psychique d'une sévérité telle qu'elle entraîne chez l'auteur d'un fait criminel, un retentissement sur son libre arbitre et son discernement au moment des faits incriminés, doit rester du domaine de la psychiatrie, même si la nouvelle loi du 24 janvier 2022, par plusieurs de ces dispositions, tentait de mettre un terme à cette nécessité. [résumé d'auteur]" |
En ligne : | https://www.em-premium.com/article/1557512 |